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Décryptages

Crise énergétique actuelle en RDC : pistes de sortie



Malgré son potentiel énergétique parmi les plus élevés au monde, seulement 21% de la population congolaise (1% en milieu rural et 44% en milieu urbain) a accès à une alimentation électrique fiable, poussant de nombreux citoyens à se tourner vers des sources d'énergie alternatives, telles que le bois, exacerbant ainsi le problème de la déforestation.



Par conséquent, le mix énergétique de la RDC est caractérisé par la prépondérance de la biomasse (bois de feu et charbon de bois) qui en représente 93% (29 000 ktep), loin devant les produits pétroliers et gaziers et l'électricité qui représentent respectivement 4% (>1000 ktep) et 3% (1000 ktep).


En 2023, la consommation d'électricité a atteint 15 116 995 MWh, mais cette demande en croissance continue se heurte à des contraintes d'offre sévères, impactant notamment les projets de production minière, secteur clé de l'économie nationale.


Explorons en détail les défis de la crise énergétique en République Démocratique du Congo: Quels en sont les différents aspects ? Quels problèmes entravent actuellement la situation énergétique? Quels impacts la gestion du déficit énergétique a-t-elle eu jusqu'à présent? Quelles stratégies viables peuvent être mises en place pour la surmonter?




La majeure partie de l'approvisionnement en électricité de la RDC provient de barrages hydroélectriques


En 2021, la production d'électricité par habitant à partir de combustibles fossiles ne représentait que 0,27%, alors que les énergies renouvelables contribuaient à hauteur de 99,73%, positionnant la RDC comme un acteur de premier plan dans la promotion des énergies alternatives et durables.


Ainsi, l'essentiel de l'approvisionnement en électricité de la RDC provient de ses barrages hydroélectriques, avec une capacité de 11 TWh, contre 0,03 Twh pour le pétrole et 0,01 Twh pour l'énergie solaire au cours de la même période.



Les réseaux de distribution d'électricité renforcent les inégalités interprovinciales en termes d'accès à l'énergie, la majeure partie des lignes de distribution étant située dans l'extrême ouest, le Grand Katanga et les régions du nord-est du pays


Le réseau de distribution Sud-Ouest, exploité par la Société nationale d'électricité (SNEL), dessert la ville de Kinshasa, le Congo central et le Grand Katanga. Il est constitué de lignes à haute tension d'une longueur totale de 6 937 km, dont 1 827 km de lignes à courant continu à très haute tension (VHVDC). Il est interconnecté avec le République du Congo et la Zambie (avec des capacités de transit respectives de 150 MW et 500 MW). Il concentre 2 490 MW de capacité de production, soit 90 % de la capacité de production actuelle du pays.


À une autre échelle, un réseau secondaire interconnecté exploité par la SNEL, le réseau de distribution de l'Est, couvre les provinces du Kivu et est interconnecté avec le Rwanda et le Burundi.


Carte 1. État actuel du développement du système électrique de la RDC

Source: World Bank. 2020. Increasing access to electricity in the Democratic Republic of Congo. Opportunities and challenges. Washington, DC: World Bank.


Dans l'ensemble, ce réseau de distribution isolé certaines provinces qui ne comptent que sur des systèmes isolés, représentant ainsi que 4 % de la capacité totale installée et 7 % de la longueur totale des lignes de distribution. Cette situation a renforcé les inégalités interprovinciales en matière d'accès à l'énergie et, par conséquent, de conditions favorables au développement socio-économique.




Le secteur industriel représente la plus grande part de la consommation d'électricité, soit 60 % de la demande de la RDC


L'analyse de la consommation d'électricité en République Démocratique du Congo révèle une croissance soutenue du besoin énergétique du secteur industriel, premier consommateur d'électricité, avec une consommation atteignant 7 333 948 MWh en 2021, soit une croissance de +168% entre 2000-2021, reflétant une industrialisation croissante et la mise en œuvre de projets de grande envergure.


Si le secteur résidentiel a connu une croissance régulière de sa consommation d'électricité, passant de 1 231 954,3 MWh en 2000 à 1 757 514,06 MWh en 2021, soit une hausse de 43%, la consommation annuelle moyenne d'électricité par habitant demeure néanmoins parmi les plus basses d'Afrique subsaharienne, s'établissant à seulement  0,14 KWh (voir le graphique “Accès à l'électricité en RDC” pour plus de détails sur l'accès).



Dans le sillage de la croissance démographique et du développement du pays, la demande d'électricité va augmenter mais elle est déjà élevée et non satisfaite.


En 2023, la consommation d'électricité avait atteint 15 116 995 MWh, bien que tous les segments de la demande d'électricité restent fortement limités par l'offre.


En 2023, l'énergie totale transportée s'élevait à 16 390 747 MWh, dont 15 116 995 MWh ont été effectivement livrés, soit 58,8 % aux clients HT et 41,2 % au réseau urbain. Les pertes de transmission ont représenté 1 273 752 MWh (7,8 % de l'énergie transportée), un domaine que le pays doit continuer à surveiller et à améliorer afin d'optimiser l'efficacité énergétique.



Tous les secteurs nécessitant de l'électricité sont confrontés à d'importantes limitations de l'offre. Le segment résidentiel, en particulier, connaît une demande substantielle non satisfaite, en partie imputable au déficit important de la République démocratique du Congo (RDC) en matière d'accessibilité au réseau électrique (voir le graphique “Accés à l'électricité en RDC” pour plus de détails sur l'accès). Depuis 1990 et la mise en service de la centrale Mobayi Mbongo, la capacité de production de la SNEL n'a connu qu'une modeste augmentation de 150MW avec la mise en service de la centrale de Zongo 2. Or, sur la même période, la population congolaise a connu une croissance exponentielle, passant de 37 millions à plus de 99 millions d’habitants.


Cette absence d'expansion significative de la capacité, combinée à la détérioration progressive des installations existantes, a entraîné une diminution de la capacité de production disponible à 2 062 MW, ce qui représente seulement 69,2% de la capacité installée malgré une demande qui est fortement croissante (explosion démographique, industrialisation, etc.).


NB: La capacité installée est la puissance cumulée de tous les générateurs électriques présents sur un territoire donné, exprimée en mégawatts (MW). Elle représente la production théorique maximale du système électrique tandis que la capacité disponible est la quantité d'électricité réellement accessible pour répondre à la demande à un instant donné, exprimée en mégawatts (MW). Elle peut être inférieure à la capacité installée en raison de divers facteurs tels que la maintenance des installations ou les conditions climatiques, les pannes.


Le dilemme énergétique du pays a un impact sur la production des projets miniers


La République Démocratique du Congo recèle un potentiel minier exceptionnel, avec des réserves abondantes en cobalt, cuivre, diamants, or, coltan et autres minerais stratégiques le positionnant comme un acteur majeur sur l'échiquier mondial des ressources minérales. Ces richesses naturelles ne sont pas sans répercussions économiques considérables. En 2022, le secteur minier représentait 95% des exportations du pays, contribuant à 43% des recettes publiques et 47% du PIB. Plus encore, il génère 25% des emplois en RDC.


L'ancienne province du Katanga, largement reconnue comme le cœur minier de la République démocratique du Congo, occupe une position centrale dans l'économie régionale et nationale. La région abrite certains des projets miniers de cuivre et de cobalt les plus rentables au monde, notamment Kamoa-Kakula, qui est considéré comme le troisième plus grand complexe minier de cuivre au monde et la plus grande mine de cuivre du continent africain.


Alors que l'extraction et le traitement des minerais métalliques pour ces projets nécessitent un approvisionnement important en électricité, les mines de la région sud utilisent un mélange de sources d'énergie locales, d'électricité importée via l'interconnecteur RDC-Zambie (une ligne de 220 kV reliant Kasumbalesa et Luano), et d'énergie autoproduite à partir de diesel. L'offre actuelle répond à moins de la moitié de la demande prévue dans la région sud, ce qui limite la capacité de production du secteur.


Carte 2. Système électrique existant dans la région du Sud-Ouest

Source: WorldPop, SNEL, Resource Matters, World Bank


En effet, au premier trimestre 2024, les rapports des opérateurs miniers ont mis en évidence des perturbations liées à l'électricité dans le réseau de distribution, entraînant une baisse significative des niveaux de production. C’est notamment le cas de Kamoa-Kakula, dont la production s'est élevée à 86 203 tonnes, soit une baisse de 7,9 % par rapport aux 93 603 tonnes produites au cours du même trimestre de l'année précédente. CNMC Huachin Mabende a également enregistré une baisse de 3,3 % en 2023, principalement attribuable à la pénurie d'électricité locale. Ces perturbations sont principalement attribuées aux limitations de capacité des centrales électriques Inga 1 et 2. Pour remédier à cette situation, la SNEL a mis en place un programme de délestage de 6 à 12 heures par jour afin de gérer efficacement les contraintes de puissance.


Face à cette crise, les entreprises ont dû se tourner vers des solutions alternatives, notamment les groupes électrogènes ou l'importation de l'électricité. Cependant, ces solutions ont un coût. Alors que le prix du kWh venant du réseau électrique est vendu par la SNEL à 0,14$, il peut atteindre les 0,65$ via générateurs. Ceci a donc un impact considérable sur la rentabilité des projets, quand on sait que le poste Énergie est l’un des plus importants de la filière.


3. Gestion du déficit à ce jour


La dynamique des importations d'électricité en République démocratique du Congo en provenance de la République du Congo (TradePower) et de Zambie (CEC & ZESCO) cache une dépendance latente dans un contexte de crise énergétique sans précédent.


Confrontée à une crise énergétique sans précédent, la République démocratique du Congo a dû se résoudre à importer de l'électricité des pays voisins : La Zambie (via CEC & ZESCO) qui disposait en 2023 d'un parc de production d'électricité d'une capacité installée de 2706 MW et la République du Congo (via TradePower) qui disposait d'une capacité installée de 684,5 MW sur la même période.


Les importations d'électricité sont destinées à compléter la production interne d'électricité de la RDC afin de répondre à la demande croissante d'énergie et de soutenir divers secteurs économiques clés du pays. En particulier, le réseau Sud, qui dessert les provinces du Lualaba et du Haut-Katanga, est connecté à partir d'Inga (Kongo central) et dispose d'un couloir d'alimentation pour l'électricité importée de Zambie, principalement pour alimenter le secteur minier.


Les importations nettes d'électricité de la RDC représentaient 11,6 % de l'approvisionnement total en électricité en 2021.


L'analyse des exportations et des importations d'électricité de la République démocratique du Congo (RDC) montre clairement l'impérieuse nécessité de renforcer la capacité de production nationale afin de répondre à la demande croissante d'électricité et de garantir l'indépendance énergétique du pays.


La baisse significative des exportations d'électricité de la RDC sur la période étudiée peut être attribuée à la croissance limitée de la capacité electrique installée (Graphique “Capacité electrique installée en RDC, 1970-2022” pour plus de détails), cumulée à une forte augmentation de la demande locale.


D'autre part, les importations d'électricité en RDC ont montré une tendance à la hausse, particulièrement notable après 2011, avec une croissance continue depuis 2018. Cette augmentation des importations représente le principal moyen de combler l'écart entre la production nationale et les besoins croissants en électricité du pays. Elle indique également une dépendance croissante à l'égard des fournisseurs étrangers, ce qui pourrait avoir des conséquences sur la sécurité énergétique du pays; surtout que la Zambie et la République du Congo sont actuellement confrontée à un déficit d'électricité en raison de la sécheresse et autres facteurs exogenes affectant leurs productions hydroélectriques. Chacun de ces pays a d’ailleurs réduit (Zambie) ou complètement arrêté de fournir de l’électricité à la RDC, ce qui a eu un impact fort important sur l’économie, notamment dans le secteur minier.


4. Des solutions pour surmonter la crise


La nécessité d'importer de l'électricité pour compléter les capacités internes de la RDC et répondre à la demande croissante d'énergie augmente en raison des retards dans la mise en service de nouveaux projets.


Une étude menée par des chercheurs de l'ETH Zürich a analysé les délais de mise en service de projets d'énergie renouvelable dans 48 pays entre 2005 et 2022 et a révélé que le délai moyen de déploiement a augmenté pour toutes les technologies dans les pays membres et non membres de l'OCDE, à l'exception de l'électricité issue de la biomasse dans les pays non membres de l'OCDE. Les délais moyens étaient de 1,6 an pour l'énergie solaire photovoltaïque et de 4,1 ans pour les petites centrales hydroélectriques dans les pays non membres de l'OCDE.


Les infrastructures obsolètes existantes limitent les efforts du pays pour atteindre ses objectifs en matière d'énergie, ce qui se traduit par un faible taux d'électrification


La position stratégique de la RDC, au centre de l’Afrique, en fait un pays idéal pour les échanges transfrontaliers d’électricité. Le pays se situe au carrefour de trois pools énergétiques que sont le Pool énergétique d'Afrique de l'Est (EAPP), Pool énergétique d'Afrique centrale (PEAC) et Pool énergétique d'Afrique australe (SAPP). Le développement des interconnexions avec ses pays voisins permettra à la RDC de bénéficier de potentiels excédents de ces pools énergétiques. Cependant, le pays a besoin de développer son réseau de transmission pour tirer plein profit de son potentiel. A date, elle ne bénéficie que de deux interconnexions malgré le partage de frontières avec 9 pays. De plus, son interconnexion transfrontalière principale, avec la Zambie, est déjà saturée.



Carte 3. Le pool énergétique de l'Afrique

Source: ANAPI


Exploiter le potentiel de l'énergie solaire pour la production d'énergie.


Avec la réduction rapide du coût des modules solaires et des batteries, et une facilité de déploiement plus rapide que les autres formes de production d'électricité, l'énergie solaire devient une option très compétitive pour une augmentation rapide de la capacité de production en RDC, en particulier dans le Nord et le Sud, où la ressource est la plus abondante avec une irradiation solaire quotidienne moyenne atteignant 5kWh/m2 /jour et jusqu'à 6,75kWh/m2.


Carte 4. Potentiel d'électricité photovoltaïque (GHI, kWh/m2)


Source : Solargis


Malgré sa forte consommation d'énergie, le secteur minier pourrait également bénéficier du potentiel solaire disponible dans le pays, notamment dans une logique d' hybridation (solaire + thermique/hydro), qui permettrait de baisser de façon significative la facture énergétique pour les miniers. C'est d'ailleurs déjà le cas pour la mine de Kibali dont l'approvisionnement en énergie provient de ses trois centrales hydroélectriques, mais l'opérateur minier est en train de développer une nouvelle centrale solaire de 16 MW, associée à une infrastructure de stockage, conçue pour soutenir l'approvisionnement en énergie hydroélectrique pendant la saison sèche de la région. En conséquence, l'approvisionnement global en électricité renouvelable de la mine passera de 81 % à 85 % et, pendant six mois de l'année, ses besoins en électricité seront entièrement couverts par les énergies renouvelables.


Développer les 97 % inexploité du potentiel hydroélectrique pour la production d'énergie


La RDC a un potentiel hydroélectrique de 100 GW (le plus important d'Afrique), dont seulement 2,5 GW ont été développés. Sur ce potentiel, 40 GW sont concentrés sur le seul site d'Inga. Deux barrages (Inga 1 et Inga 2) d'une capacité de 351 MW et 1 424 MW ont été achevés en 1972 et 1982. Un troisième barrage (Inga 3) d'une capacité potentielle de 4 230 MW est actuellement en phase de structuration.


D'autres centrales hydroélectriques sont en cours de développement, notamment la centrale hydroélectrique de Luapula (900 MW), la centrale hydroélectrique de Ruzizi 3 (147 MW) et la centrale hydroélectrique de Nzilo 2 (120 MW). Toutefois, l'accent est mis sur le projet Grand Inga (39 000 MW), qui jouera un rôle crucial dans l'approvisionnement en électricité de l'ensemble du continent, en permettant à la RD Congo d'exporter de l'énergie vers l'Égypte, ainsi que vers l'Afrique du Sud par le biais de lignes de transmission à longue distance.


Carte 5. Ressources hydroélectriques de la RDC

Source : World Bank. 2020. Increasing access to electricity in the Democratic Republic of Congo. Opportunities and challenges. Washington, DC: World Bank.


Exploiter le potentiel de la conversion du gaz en électricité pour la production d'énergie.


L’utilisation du gaz pour la production d'électricité en République démocratique du Congo (RDC) représente un potentiel important, notamment dans la région de Boma. Perenco, société pétrolière et gazière franco-britannique, est présente dans la région depuis plus de 20 ans et développe un projet de production de gaz pour l'électricité à Muanda, près de Boma.

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